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S’adapter encore et encore, à des contraintes de plus en plus fortes et avec une économie de moyens toujours plus accrue.
Parmi tous les acteurs de l’entreprise soumis à ces pressions, les dirigeants, les managers sont les plus exposés. Pourtant c’est sur eux que repose en grande partie l’efficience collective de l’entreprise.

La seule chose immuable dans l’univers, c’est le changement.

Proverbe tibétain

Au cours des dernières décennies, les entreprises et les institutions ont vécu de profonds bouleversements. Toutes les institutions, qu’elles soient publiques ou privées ne peuvent en faire l’impasse dans une économie de marché de plus en plus rude et âpre. La mondialisation est là, c’est notre quotidien, qu’on le veuille ou pas. Les communications s’accélèrent, les technologies changent à pas de géants. Nous sommes dans « l’immédiateté », nous voilà connectés avec ou sans notre consentement, à notre environnement. Nous consommons de l’objet connecté, nous n’imaginons plus notre vie sans cela. Personne n’y échappe.

Seul mot d’ordre: s’adapter encore et encore, à des contraintes de plus en plus fortes et avec une économie de moyens toujours plus accrue. Tous ces facteurs de pression externe aux entreprises ont bien entendu des conséquences directes sur les acteurs du monde économique.

  • 1ère conséquence visible: l’augmentation du stress et du burn out.

Nous vivons une situation paradoxale où, malgré tous les progrès technologiques, le temps nous fait défaut. Du moins, nous avons la sensation qu’il nous fait défaut. Nous sommes en réaction permanente à une multitude de sollicitations: smartphone scotché au creux d’une main, tablette dans l’autre, un oeil permanent sur l’ordinateur. La consommation d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, d’antidouleurs ne cessent de progresser alors même que l’espérance de vie augmente dans nos pays occidentaux. Le burn-out touche de plus en plus les jeunes cadres et même les étudiants. On évoque parfois une véritable épidémie: 7 à 10% de la population active est touchée par le burn-out (selon Technologia, un cabinet spécialisé dans l’étude et la prévention des risque psychosociaux). Le travail dévore nos vies et la frontière entre activité professionnelle et vie privée est de plus en plus floue. L’heure est partout et le temps, nulle part", selon la formule de Pascal Chabot, auteur d’un essai, Global burn-out (PUF). Or, pour ne pas être dépossédé de notre vie, nous avons justement besoin de temps, cette durée qui permet de se ressourcer, de se retrouver.

  • 2e conséquence: la baisse de l’efficacité individuelle.

Ce stress qui s’épand, telle un flaque d’huile, entrave fortement le bon fonctionnement des équipes. L’efficience d’une équipe passe par l’efficacité de chaque membre qui la compose et par leur capacité à travailler collectivement. Peut-on raisonnablement espérer un travail d’équipe de qualité, quand, chacun à son niveau est pris dans un tourbillon d’urgences immédiates, le cerveau en ébullition ? Vitesse, précipitation ou agitation…. Les cadres quittent leur bureau à des heures de plus en plus tardives, se demandant souvent ce qu’ils ont réellement fait de leur journée, tant ils ont le sentiment d’être passé d’une urgence à une autre, sans avoir réellement eu le temps d’approfondir leurs dossiers. Ce stress interne touche la plupart des salariés, inhibant leur capacité de concentration et de sérénité nécessaire à la production du travail que l’on attend d’eux.

  • 3e conséquence: l’efficience collective amoindrie.

Ce manque de temps endémique ne favorise guère les rapports humains, ciment pourtant indispensable à la cohésion et à l’efficacité collective. Les responsables transmettent leurs directives vite, trop vite. Ils donnent à leurs collaborateurs des objectifs sans vérifier s’ils sont bien compris ou/et sans véritablement écouter les questionnements. Cédant à une frénésie de l’urgence permanente et ployant sous le poids des pressions externes, il devient difficile de préparer convenablement les dossiers, les réunions, les rencontres. Parlons un peu des réunions. Elles sont nombreuses, souvent mal vécues et pourtant indispensables. Que constate-t-on souvent ? La présence d’une juxtaposition d’individus les yeux rivés sur leur smartphone, tablette ou ordinateur portable répondant aux mails et sms quand ce n’est pas au téléphone pour expliquer « je ne peux pas te répondre, je suis en réunion » ! En ce cas, on peut se demander qu’elle est l’utilité de décrocher…. C’est là un constat très fréquent de la dépendance que nous avons avec nos objets de communication. Ils nous sonnent comme un ordre et nous y répondons sans même nous interroger sur l’opportunité d’une réponse immédiate. Pendant ce temps, la réunion se déroule en parallèle.

  • 4e conséquence: la perte de sens.

L’urgence et l’impératif d’immédiateté nous fait perdre la perception d’une direction et la conscience d’une raison d’être, productrice de sens du travail. Le sens ne se découvre que dans la durée, dans la pérennité. Avec cette instantanéité frénétique, il devient difficile, voire impossible, de discerner la signification de nos actions dans une perspective de long terme. 

Et nos dirigeants, nos managers dans tout cela ?

Parmi tous les acteurs soumis à ces pressions, ils sont les plus exposés. Pourtant c’est sur eux que repose en grande partie l’efficience collective de l’entreprise. Il est évident que les pressions de l’environnement immédiat sont très nombreuses et très contraignantes: conditions de travail, motivation-démotivation, exigence de performance, stress, absentéisme, parts de marchés, gestion des imprévus, actionnaires, conflits internes, gestions des objectifs quotidiens, exigence des clients, mondialisation, qualité totale, accélération du changement, …

Nous l’avons tous vécu: plus nous sommes soumis à des pressions extérieures, plus nos réactions s’apparentent à des réflexes conditionnés. Nous sur-réagissons au détriment de toute analyse consciente des situations. Nous agissons par automatisme, par nécessité de réagir vite.Les managers, les dirigeants ne font pas exception. En d’autres termes, ils n’ont plus véritablement la maîtrise de leurs réponses comportementales face aux sollicitations externes. En situation de pression, ils subissent leurs propres comportements !

Dans ma pratique quotidienne de formateur en entreprise, je rencontre très souvent ce type de managers. Ils foncent « la tête dans le guidon ». Ils sont reconnaissables aux caractéristiques suivantes:

  • ils sont inconscients de ce qui se passent en eux au moment où cela se passe
  • ils sont inconscients de ce qu’ils font au moment où ils le font
  • ils se trouvent en état d’agitation et/ou d’inhibition
  • ils sont indisponibles au présent, car centrés soit sur les échecs passés, soit sur les résultats futurs
  • ils agissent sans cesse en comportement subi et réflexes conditionné.
  • Involontairement ils exportent leur stress sur leurs équipes, créant des tensions collectives inutiles
  • Ils ne savent plus écouter leurs collaborateurs
  • Ils sont épuisés

Et plus ils sont soumis au stress, plus ils ont tendance à répéter, de manière inconsciente et totalement conditionnée, les mêmes réactions. Or ces dernières se révèlent rarement adaptées à leurs collaborateurs, aux objectifs qu’ils poursuivent ou aux situations dans lesquelles ils sont plongés. S’ils ressentent l’inadéquation de leurs réactions, éventuellement ils les regrettent mais généralement ils en restent à ce constat. Ou alors, tout aussi classiquement, une autre réaction consiste à accuser les évènements extérieurs ou des tiers de l’échec vécu.

Les équipes se découragent, se démotivent et finissent par perdre leur confiance.

C’est ce que j’appelle « entrer dans la spirale de l’échec ».

Les outils de management, les tableaux de bord, les nouvelles fonctions de « manager du bonheur, du bien-être au travail »- même s’ils sont très intéressants et qu’ils ont toute leur utilité- ne suffisent pas à sortir les managers et leurs équipes de cette tornade d’accélération du temps et du changement.

On parle beaucoup de l’entreprise libérée où l’humain est replacé au centre de l’organisation. Le postulat de base repose sur un climat de confiance et de reconnaissance des compétences de tous les collaborateurs qui s’auto dirigent dans le cadre d’un fonctionnement collectif collaboratif. Mais est-ce véritablement LA solution aux dégradations des conditions de vie au travail ? On observe aussi dans ce type d’organisation une augmentation du stress et du burn out en raison du poids du collectif sur l’individu, de cette nécessité de rendre compte au groupe. Et qu’en est-il de l’ambiance et de l’efficience collective quand une poignée de collaborateurs prennent le pouvoir au détriment des autres ?

Il n’y a probablement pas d’entreprises parfaites. Nous avons tous la responsabilité de faire évoluer nos organisations au regard de ces dysfonctionnements. Pour autant, cette évolution n’est jamais immédiate, ni en ligne droite. Elle se fait dans le temps. et il n’y aura jamais de certitude de créer l’organisation de travail parfaite !

Nous ne pouvons pas changer immédiatement notre environnement mais nous pouvons nous y adapter, sans perdre notre âme.

"Si l’être humain ne change pas, rien ne change" Pierre Rabhi

La psychologie définit l’adaptation comme étant la capacité de l’individu à modifier ses fonctions psychiques, sans altérer sa nature, en le rendant apte à vivre en harmonie avec les nouvelles données de son milieu. Une autre approche en biologie souligne l’adaptation comme étant les transformations physiologiquement bénéfiques que subit un organisme individuel soumis à de nouvelles conditions de vie et qui lui permettent de répondre de façon plus efficace à ces conditions nouvelles.

Le stress subi par cette effervescence économique n’est pas une fatalité. Nous avons aussi toutes les ressources en nous pour garder la maîtrise de soi.

Sachant que les entreprises ne peuvent pas se permettre de sacrifier le résultat sous peine de disparaître, tout le challenge, vise à réconcilier la recherche du résultat (et donc de la performance) à celle du bien-être au travail sans piller la pharmacie du coin ou faire exploser les taux d’absentéisme pour maladie … Pour y parvenir, le cocooning comportemental se met au vestiaire. On le garde pour les dimanches au coin du feu, le farniente.

Les schémas de pensées et d’action ont tout à gagner à être observés sous l’angle d’une approche systémique des éléments de la performance humaine par laquelle les acteurs de l’entreprise découvrent, ensemble, comment ils créent leur réalité de fonctionnement et comment il peuvent la modifier pour agir de façon plus efficiente dans un même esprit d’engagement, de coopération et de solidarité.

Une équipe est le reflet du fonctionnement de son manager.

On parle beaucoup de cohésion d’équipe. Or la performance collective prend racine dans la performance individuelle. Les dirigeant, les managers, les cadres sont regardés comme des exemples, des modèles par leurs équipes. Est-il possible sérieusement d’attendre des équipes implication, motivation, engagement si les managers restent en retrait, derrière des directives, des mots d’ordre et des tableaux de bord ?

Si l’on prend la métaphore sportive, il suffit de lire la presse sportive pour rapidement repérer les résultats catastrophiques des équipes dont les capitaines ou les entraîneurs (un exemple récent est le résultat du PSG avec pourtant une équipe de stars payée à prix d’or !) n’ont pas les comportements à la hauteur du titre visé. Par opposition, souvenez-vous de l’énergie engageante qu’a réussi à créer Yannick Noah au sein de l’Equipe de France de tennis, pourtant non favorite au départ ?

Devenir un modèle pour ses équipes, nécessite une prise de conscience de son fonctionnement automatqiue et cela implique:

  • De sortir des réflexes conditionnés automatiques/inconscients en s’entraînant à s’accorder une pause avant toute réaction spontanée. En agissant ainsi, nous nous créons un nouveau stimulus de prise de recul et de réflexion. Notre cerveau évolue et nos réflexes automatiques changent. Nous ne sommes pas condamnés à toujours fonctionner de façon immuable ! 

 

  • D’acquérir une autonomie d’attitude, de comportement et de décision malgré les pressions et les imprévus. Cette autonomie prend appui sur 3 éléments consécutifs:

- Adopter une position d’observateur de soi-même chaque fois que la situation l’exige (la caméra sur ON » dirigée sur vous)

- Favoriser un Etat de Performance Intérieur (EPI) optimal. Il s’agit là du processus fondé sur la maîtrise du mental, sur la gestion du corps et de la respiration pour se mettre dans des conditions de calme, de plaisir et de sérénité indépendantes des circonstances externes. Ce sont là des techniques largement utilisées par les sportifs de haut niveau. Elles leur permettent de rester en pleine possession de tous leurs moyens et de leurs compétences.

- Intégrer la Boucle d’Apprentissage Permanent « préparer, agir, évaluer, récupérer ». il n’y a pas d’échec, il n’y a que des enseignements. Les plus grandes personnalités n’ont jamais connu une ligne droite vers le succès, mais elles ont toujours su tirer des enseignements de leurs actions sans jamais se décourager.

  • D’aiguiser son intelligence émotionnelle et de comportements pour percevoir de la façon la plus objective possible, c’est-à-dire sans filtre d’interprétation, de jugement ou de croyance, ce que nous pensons, ce que nous ressentons.

 

  • De développer son intelligence corporelle, celle qui nous permet de gérer consciemment et de manière continue notre niveau d’énergie, notre posture corporelle, notre respiration en fonction des circonstances et des nécessités.

 

  • Et comme nous ne sommes pas seuls au monde et donc encore moins en entreprise, il est essentiel d’affuter son intelligence relationnelle. C’est elle qui nous permet de percevoir rapidement une situation, un processus relationnel et de le resituer dans un contexte global et objectif.

 

On reconnaît facilement les dirigeants, les managers, les cadres qui arrivent à cet état de maîtrise. Tels des champions, des virtuoses ou des chefs d’orchestre:

  • leur attention est centrée à 100% dans le présent et à l’écoute, sans jugement
  • leurs comportements sont contrôlés et choisis, ils savent pourquoi ils agissent ainsi, de cette manière Ils sont conscients de ce qui se passe en eux au moment où cela se passe
  • ils sont conscients de ce qu’ils font au moment où ils le font
  • ils évaluent systématiquement la pertinence des actions pour en tirer des enseignements de progrès
  • ils se trouvent en état de confiance, de plaisir et de calme
  • ils sont véritablement des libérateurs d’énergie de confiance, de motivation et d’implication pour eux-mêmes et leurs équipes.

 

Ils ne sont plus seulement « chef d’entreprise ou manager » mais ils ont acquis une posture d’entraîneurs-coachs qui font entrer leurs collaborateurs, à tous les niveaux hiérarchiques, dans une démarche de progrès permanent afin qu’ils approfondissent leurs compétences, en apprennent de nouvelles pour être toujours au TOP de leur métier ou de leurs nouvelles fonctions.

Le changement, avec cet état d’esprit, n’est plus véritablement un problème mais il devient une opportunité à saisir ou un challenge collectif à relever dans un esprit de coopération, de solidarité et de cohésion.

C’est tout à fait accessible. Cela relève du choix de chacun ..... Pour s’y lancer, il suffit de se définir les étapes de progrès et surtout de s’y entraîner très régulièrement, tels les sportifs de haut niveau, pour progressivement modifier les réflexes de fonctionnement et de réaction.

Je vous propose de commencer par un 1er exercice d’entraînement qui consiste à apprendre à vous observer:

Au cours de votre journée, marquez des temps d’arrêts, prenez conscience de ce qui se passe au niveau:

  • De votre attention: est-elle dans le présent, le passé ou le futur ? Etes-vous à 100% concentré sur chaque tâche ou faites-vous du multi tâches ?
  • Des pensées qui vous traversent: sont-elles positives ou négatives ? sont-elles utiles dans vos tâches ou relations du moment ?
  • Des émotions que vous ressentez: sont-elles agréables ou désagréables ?
  • De votre posture corporelle et de votre façon de vous tenir: repérez-vous des tensions musculaires ? avez-vous conscience de la façon dont vous respirez ?

 

Pour terminer, quels enseignements retirez-vous de ce temps d’arrêt en terme d’efficience du moment ? dans quel type de fonctionnement de management vous reconnaissez-vous le plus: "la tête dans le guidon" ou "ibérateur d’énergie et de confiance " ? Revenez à vos appuis, détendez vos tensions, respirez, reprenez le cours de vos activités. Faites cela très régulièrement. Ce n’est pas perdre votre temps !

 Bon entraînement ....

 

 Philippe Leclair

 

 

 

mardi 13 mars 2018  : : Dirigeants et managers

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